H - MEDECINE MILITAIRE

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Après l'ère des médecins de cour (jusqu'au XVIIe siècle) c'est à l'armée que la Russie doit le développement de sa médecine nationale jusqu'au milieu du XIXe siècle (89-76).
 

Les ambitions militaires de Pierre 1er l'obligent à améliorer l'état sanitaire de ses troupes. Il alloue un médecin à chaque division, un chirurgien à chaque régiment et un feldsher à chaque compagnie (128-221). Rappelons que l'origine et le nom même du feldsher viennent de l'armée allemande. Ils sont d'abord destinés à fournir une assistance médicale de base aux soldats. Ils prendront ensuite une importance considérable dans la médecine civile des zemstvos (165).

C'est toujours son besoin de médecins militaires qui fait ouvrir à Pierre la première école de médecine de Russie en 1707.

Malgré ces efforts le nombre de praticiens est encore faible. Les médecins travaillent surtout dans les hôpitaux militaires, trop peu sont opérationnels sur le champ de bataille. Pendant les batailles napoléoniennes, le système d'assistance est encore archaïque : les officiers ont leur médecin privé qui les assiste en cas de besoin. 

Un exemple typique est donné par la blessure du prince André dans Guerre et Paix de Tolstoï, un médecin le veille jour et nuit après sa blessure, sans s'occuper des autres combattants (209-183-128). C'est James Wylie (1765-1854), écossais et médecin personnel d'Alexandre 1er, qui réforme cette organisation. A la tête du service médical de l'armée il demande à ses médecins de soigner tous les blessés possibles, simples soldats et ennemis, sur le terrain des combats ; il donne lui-même souvent l'exemple. Wylie est plusieurs fois décoré pour cela par des souverains étrangers (183-128-227-121-191).

figure 54 : médecin militaire vers 1812 (121)

Wylie dirige également l'Académie Médico-Chirurgicale (faculté de médecine de Saint-Pétersbourg), berceau de la médecine militaire avant d'être celui de toute la médecine russe. Les professeurs et étudiants appartiennent à l'armée, ils portent uniformes et sont théoriquement soumis à la discipline militaire. Tout au long du XIXe siècle, plus de la moitié des médecins militaires sortiront de ses rangs (190-143).

Une autre mission est transmise aux médecins : diffuser les conseils hygiéniques à la troupe et prévenir les épidémies qui ravagent l'armée (typhus, dysenterie, etc.) (185-125-121-191).

Le deuxième grand nom de la médecine militaire est Pirogov (1810-1881). Le grand chirurgien, "âme de l'Académie Médico-Chirurgicale" est, nous l'avons vu, à l'origine de l'organisation des corps d'infirmières pendant la guerre de Crimée. Il va apporter plusieurs autres innovations pendant ce conflit. Il attribue à chacun des tâches précises et améliore l'efficacité du travail. Sur le théâtre des opérations il sépare le premier les plaies propres des plaies infectées. Il réalise la première anesthésie (à l'éther) en temps de guerre et utilise massivement l'immobilisation plâtrée lors du siège de Sébastopol. Pendant la guerre russo-turque de 1877-1878 il inspecte à nouveau les organisations sanitaires (79-98-118-102).

Le conflit de 1877 voit également les débuts des premières femmes médecins formées en Russie. Elles s'y illustreront et en seront récompensées. Les chirurgiens militaires russes mettent les premiers en pratique l'utilisation de la méthode aseptique aux victimes des combats. L'évacuation des blessés est améliorée par l'utilisation du chemin de fer (212-197-98).

 Les deux conflits suivants (guerre russo-japonaise de 1904 et Première Guerre Mondiale ne verront que peu d'innovations).

Signalons encore les travaux très importants sur le paludisme réalisés par des médecins en garnison au Caucase (40).

L'intérêt pour la santé publique et la recherche médicale relégueront la médecine militaire à un rang secondaire à partir des années 1860. Mais c'est encore un tiers des 23.500 médecins de l'empire qui travaillent pour l'armée en 1905.

Après des études le plus souvent payées à l'Académie Médico-Chirurgicale (350 roubles par an par étudiant), le médecin reçoit à sa sortie une solde de 800 roubles par an qui augmentera d'un quart tous les cinq ans. S'il devient médecin général, il touchera chaque année 3000 roubles soit le même traitement qu'un professeur d'université. Il dispose d'une retraite après 35 ans de service (57-128).

Mais le métier est assez mal considéré. Le médecin militaire n'est pas gradé sur l'échelle militaire mais civile du tchine. A rang égal il est moins respecté et moins bien payé qu'un officier. Cette différence envenime les rapports entre médecin et officier surtout quand ils se retrouvent dans des garnisons éloignées. Le meilleur poste reste médecin d'un grand hôpital militaire comme celui de l'Académie Médico-Chirurgicale. Après avoir servi un certain nombre d'années, le médecin militaire peut également quitter l'armée pour s'installer librement dans la société civile (72-107).
 

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I - LA CROIX - ROUGE RUSSE

 C'est après le désolant spectacle de la bataille de Solférino (1859) que Henri Dunant imagine une société internationale philanthropique de secours aux blessés. Il ne cache pas d'ailleurs que l'exemple des Sœurs de la Communauté de la Croix en Crimée a inspiré une partie de son livre fondateur Souvenirs de Solférino. La Croix-Rouge est fondée en 1863, une première convention de Genève sur le traitement des blessés est signée en 1864 par plusieurs pays. La Russie ratifie le texte en 1867 et crée la "Société russe de secours aux blessés dans les guerres". Elle devient en 1879 la "Société de la Croix-Rouge Russe". Pirogov est un de ses premiers parrains célèbres (23).

La société multiplie les actions et devient vite populaire. La guerre franco-prussienne de 1870-1871 est l'occasion d'une de ses premières missions. La Croix-Rouge Russe envoie 30 médecins répartis également entre les belligérants. Pirogov vient visiter les hôpitaux militaires des deux camps (143-23-79).

D'autres actions ont lieu en Asie Centrale et dans les Balkans mais c'est la guerre russo-turque de 1877-1878 qui marque le véritable baptême de la nouvelle organisation. Elle complète efficacement le personnel sanitaire militaire, et assure le transport de plus de 100.000 blessés (23-79).

La Croix-Rouge Russe est également présente dans la plupart des autres conflits internationaux jusqu'au début du XXe siècle (guerre américano-espagnole, guerre des Boers, etc.).

Dès sa création, la Croix-Rouge Russe ne s'en tient pas à l'assistance aux blessés militaires. Elle s'occupe d'aide sanitaire et matérielle à l'occasion des fléaux que connaît la Russie, épidémies et famines endémiques. Son action est vite connue et appréciée de la population qui lui fait confiance, même pendant les épidémies de choléra où la méfiance des paysans frôle parfois l'hystérie (23).

L'organisation, richement dotée par les dons privés et par la famille du tsar, possède 549 établissements de soins en 1899. Il faut dire que son recrutement est à l'origine très élitiste. Les jeunes filles de bonne famille ou les nobles veuves étaient nombreuses dans ses rangs. Presque tous les membres de la famille impériale sont membres d'honneur. Quelques écoles ont quand même été ouvertes avec "mission de préparer les jeunes filles lettrées de la classe des paysans à devenir sœurs de charité" (23).

Au 1er janvier 1899, la Croix-Rouge Russe compte en tout 2344 "sœurs de charité" et en a déjà formé plus de 4000.

Mais la société a aussi quelques défauts. Son administration par l'état en rend l'organisation très bureaucratique. Organe officiel de la charité impériale, la Croix-Rouge Russe a le monopole de facto de l'aide humanitaire. De 1899 à 1904, les zemstvos malgré leurs demandes répétées n'obtinrent pas l'autorisation d'apporter des vivres aux populations affamées : on craignait des émeutes (61).

Enfin, la Croix-Rouge Russe manque les rendez-vous de la guerre russo-japonaise et de la Première Guerre Mondiale.

Des conflits apparaissent au début du siècle :

"Les directeurs de la Croix-Rouge Russe, proches de la cour, affirmèrent, autant qu'ils le purent, leur indépendance à l'égard des autorités médicales militaires et entrèrent en compétition avec elles à propos de la question des soins à donner aux soldats, ce qui diminua considérablement l'efficacité et l'utilité de l'aide apportée par la Société." (79)
 

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