C - FIGURES CELEBRES

 

Moudrov

Diakovski

Von Baer

Pirogov

Setchenov

Zakharine

Botkine

Ossipov

Erismann

Metchnikoff

Pavlov

Korsakoff

Bechterev

Serbski

Haas

 

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Matveï Moudrov (1776-1831) est le médecin russe le plus célèbre de son temps, Tolstoï l'évoque dans son Guerre et Paix. Bon clinicien et thérapeute, il professe qu'il faut "soigner le malade et non la maladie". Il s'intéresse déjà aux matières qui passionneront les chercheurs russes tout au long du siècle : physiologie, neurologie, épidémiologie et hygiène. Membre important de la faculté de Moscou, il montre un remarquable talent d'organisateur lors de la reconstruction de l'université après l'incendie de 1812. Moudrov est nommé médecin-chef d'une commission épidémiologique pendant la première épidémie de choléra en 1830-1831. Il contracte alors la maladie et meurt en 1831. Il fut l'ami et le médecin de famille de Pouchkine et était lié au mouvement Décembriste (76-74-136-120-99-209).
 

Ioustin Diakovski (1784-1841) occupa la chaire de pathologie générale à l'université de Moscou. Important chef d'école, il tente de libérer la médecine russe du poids des influences étrangères. Il invente une classification des maladies, travaille beaucoup sur le choléra et se passionne pour l'étude du système nerveux. Il entrevoie déjà que des maladies psychiques peuvent être causées par des défauts structurels du cerveau. Il prépare le terrain pour les grands neuropsychiatres russes comme Setchenov, Pavlov ou Bechterev. Esprit original et indépendant, il s'est fourvoyé également dans des théories bizarres voire absurdes. Son athéisme et son matérialisme lui valent les foudres du gouvernement, il doit quitter son poste en 1836. Il fut l'ami de nombreux écrivains et poètes : Gogol, Lermontov, Tchaadaïev ou Herzen. (99-136-121-53-76-74-151)

 

figure 55 : Diakovski (53)

 

Karl Ernst Von Baer (1792-1876), le grand embryologiste russe est d'origine estonienne (allemande). Il fait ses études à l'université de Dorpat. D'abord professeur à Königsberg, il s'installe à Saint-Pétersbourg en 1834. Outre l'embryologie, il s'occupe activement de géographie et d'anthropologie. On lui doit la découverte capitale de l'œuf des mammifères. "Avant lui on parlait d'ovaire mais on n'avait pas vu l'ovule. On confondait l'enveloppe de l'œuf avec l'œuf lui-même" (81). Il met le premier en évidence la division de l'œuf en plusieurs couches de tissus et découvre la chorde dorsale de l'embryon. Son œuvre (écrite en allemand) a révolutionné la médecine et la biologie occidentale. Elle fut cependant peu appréciée en Russie où les savants, plus conservateurs, s'accrochent un temps aux vieilles théories spéculatives (81-169-74-48).

Nicolas Ivanovitch Pirogov (1810-1881) est de loin le médecin russe le plus célèbre dans son pays, et le plus sympathique. Peu connu en France, mais les anatomistes se rappelleront du "confluent veineux de Pirogov".

Il naît à Moscou en 1810, fils d'un petit fonctionnaire. A 14 ans, trichant sur son âge, il entre à la faculté de médecine de Moscou. Il en sort lékar à 17 ans. "Quel triste médecin je faisais avec mon diplôme qui me donnait droit de vie ou de mort, sans avoir jamais aperçu une fièvre typhoïde, sans avoir eu en main une lancette" (159-91-98).

Il est sélectionné pour poursuivre ses études de chirurgie à l'université de Dorpat. Il y passe cinq ans, s'y passionne pour l'anatomie topographique, effectue des travaux de ligatures d'artères sur des chiens et des chats. Il publie en 1832 une thèse remarquée sur la ligature de l'aorte abdominale. Il part ensuite se perfectionner dans les universités allemandes qui le déçoivent. En 1836, il est nommé professeur à l'université de Dorpat. Il publie des travaux de grande valeur sur l'ostéoplastie et la rhinoplastie, sa réputation s'étend rapidement. Ces succès ne le satisfont pas, en 1838 il entreprend un voyage d'étude à Paris. Il y rencontre le grand chirurgien Velpeau qui lui demande "s'il connaît le célèbre chirurgien russe, monsieur Pirogoff ?" Mais là encore Pirogov, déçu par les célébrités parisiennes, n'apprend pas grand chose (67-212-143-74-91-76).

Pirogov obtient en 1841 la chaire de chirurgie à la fameuse Académie Médico-Chirurgicale de Saint-Pétersbourg. Il rêve d'y élever le niveau d'éducation médicale au reste de l'Europe. Nous avons déjà vu la description effrayante que Pirogov fait de la clinique de l'Académie Médico-Chirurgicale (voir page 131). "Vie et âme de l'Académie", Pirogov y passe ses années les plus actives (74).
 

Il est consulté en 1842 pour la réforme des épreuves de médecine (24). 

Il publie et fait connaître sa célèbre technique d'amputation très conservatrice du pied (par section transastragalienne et transcalcanéenne), opération qui porte encore son nom (217-95-98). 

Le 16 janvier 1847 il effectue quelques semaines après Liston à Londres une des premières anesthésies à l'éther en Europe. Il est le premier à utiliser cette technique en médecine de guerre pendant le siège de Salty au Caucase en août 1847 (117-98).

Il publie des travaux remarquables sur les blessures par armes à feu (98). 

Pendant l'épidémie de choléra de 1848 il autopsie plus de 800 cadavres et publie des observations intéressantes. Il manque d'ailleurs de succomber au mal (98).

 

figure 56 : Pirogov à l'époque de la guerre de Crimée (195)

Il tire ingénieusement parti du grand froid russe en faisant congeler des cadavres qu'il découpe ensuite. Il peut ainsi publier un monumental atlas topographique (1851-1854) en décrivant des rapports anatomiques inédits, non altérés par les manipulations et la dissection habituelles (189-98).

Pendant la guerre de Crimée (1854-1855), nous avons vu quelle influence prépondérante il a dans la création des premiers corps d'infirmières russes. Bon administrateur, c'est lui qui leur assigne des tâches précises. Pirogov dirige les médecins militaires et opère lui-même jour et nuit les blessés qui affluent par centaines. Il entrevoit plusieurs fois l'avènement de la chirurgie aseptique ; le premier il sépare sur le champ de bataille les plaies propres des plaies infectées (226-195-42-102). "Il est le chaînon intermédiaire entre la chirurgie septique des guerres napoléoniennes et la chirurgie antisepto-aseptique de Van Bergman" (98). S'il n'inventa pas l'immobilisation plâtrée (Mathijen, 1852), il en est le premier grand utilisateur en plâtrant d'abondance au siège de Sébastopol (98). Il contribue à la fondation du prototype de la Croix-Rouge russe en 1867 (79).

Mais sa célébrité attise les jalousies de ses confrères. Il mécontente également le pouvoir par ses prises de position en faveur des réformes. Las des intrigues, Pirogov démissionne de l'Académie Médico-Chirurgicale en 1856 (143).

Il occupe alors quelques postes universitaires tout en voyageant beaucoup à l'étranger. Il passe la plus grande partie de ses 15 dernières années dans sa propriété de Vichna où il soigne bien volontiers les paysans des environs tout en s'acquittant de missions internationales pour la Croix-Rouge. Dans ses Mémoires d'un vieux médecin éclatent son humanisme et sa modestie. Atteint d'un cancer à la bouche, il meurt en 1881 (91-98-143-192).

Médecin de génie aux facettes multiples, Pirogov marque ses contemporains par ses qualités humaines autant que ses compétences. Sa déontologie qu'il s'appliquait d'abord à lui-même, sa probité en font un exemple que des générations de médecins russes tenteront de suivre (192-158-91).

Ivan Mikhaïlovitch Setchenov (1825-1905) est le père de la physiologie et de la neurologie russes. Il introduit en Russie la médecine expérimentale de Claude Bernard avec qui il travailla. Ses travaux les plus importants concernent la physiologie du système nerveux central dont il découvre les centres inhibiteurs des réflexes spinaux (1865). Son œuvre de vulgarisation, Les Réflexes du cerveau (1863) eu un énorme succès et influença la vocation de beaucoup de chercheurs, dont Pavlov. Mais le matérialisme de l'œuvre (le cerveau est décrit comme l'organe de l'âme) indigne les censeurs qui condamnent l'ouvrage. Il continua cependant longtemps à circuler sous le manteau. Setchenov soutint activement l'accession des femmes aux études médicales. Il épousa d'ailleurs Maria Bokova, une des premières femmes-médecins russes (76-4-74-99-111-207).

Grégory Antonovitch Zakharine (1829-1897). Grand clinicien comme Botkine, il met au point une méthode d'examen et d'interrogatoire qui eut grand succès. Il étudie de nombreuses thérapeutiques (rhubarbe, bismuth, calomel, etc.) et les traitements par les eaux minérales. Avec Pirogov, il tente de "mettre de l'ordre dans le chaos des indications de la saignée" (74). Ferme partisan de l'hygiène et de la prophylaxie, il s'inscrit bien dans l'orientation sociale de la médecine russe de la fin du XIXe siècle. C'est encore une victime de l'obscurantisme d'état ; accusé d'avoir empoisonné Alexandre III, il doit quitter sa chaire, sa maison est saccagée et ses affaires brûlées dans la rue (74-76-84-136).
 

On a pu dire que Sergueï Petrovitch Botkine (1832-1889) est à la médecine ce que Pirogov est à la chirurgie, sans avoir toutefois la personnalité attachante du chirurgien.

Diplômé de l'université de Moscou, il sert en Crimée sous les ordres de Pirogov puis étudie quatre ans dans les facultés européennes. A son retour il obtient la chaire de médecine interne à l'Académie Médico-Chirurgicale en 1860 où il fera l'ensemble de sa carrière. En 1870 il devient médecin personnel du tsar mais doit renoncer à ce poste à cause des activités politiques de sa femme, la princesse Obolinskaïa (76-74).

Botkine est un grand clinicien qui s'intéresse à toutes les branches de la médecine interne. Chef de file d'une importante école d'élèves, il leur enseigne la recherche étiologique et les cheminements diagnostiques en les encourageant à réfléchir par eux-mêmes. Pavlov fut son plus célèbre assistant. Ses travaux, très vastes, s'attachent à considérer les pathologies comme des dérèglements des organes plus que des maladies autonomes (120).

figure 57 : Botkine (229)

On lui doit de nombreux travaux sur l'auscultation cardiaque, l'innervation végétative, la circulation périphérique, la thermorégulation et la fièvre, etc. Il laisse un temps son nom à la "maladie de Botkine", ictère par occlusion du cholédoque (136-233-229).

Ses contemporains se souviennent de ses excellents diagnostics et analyses. Ses réflexions et son expérience le mènent presque jusqu'au "nihilisme thérapeutique" (76-99) qu'il exprime lui-même dans une lettre : "Je commence à acquérir la triste conviction que notre thérapeutique est sans efficacité. Il est rare qu'après une visite chez un client je ne sois pas pris d'une sorte de dégoût, en me disant : "Ai-je le droit de me faire payer par ces pauvres gens ? Et pourquoi est-ce que je les oblige à se ruiner en achetant nos médicaments qui, après avoir produit quelque soulagement pendant vingt-quatre heures, n'arrivent en rien à améliorer le fond de la maladie ? Pardonne-moi cet accès de mélancolie, mais j'ai eu ma consultation aujourd'hui et je suis encore sous l'impression de ce labeur stérile".

Il est vrai que tristesse et pessimisme remplissent la fin de sa vie. En 1878, ayant reconnu à Petersbourg un cas mineur de la peste qui sévissait alors sur la Volga, Botkine provoqua en l'annonçant une mini-panique dans la capitale. On lui reprocha vivement cette affaire, accusation dont il ne se remit jamais. Il mourut d'un infarctus à Menton à Noël 1889 (76-74).

Il reste après Pirogov le médecin le plus célèbre du XIXe siècle russe, nombre d'établissements portent son nom.

Evgrav Alexandriévitch Ossipov (1841-1904) dédia toute sa carrière à la construction des zemstvos. C'est grâce à ses travaux statistiques dans la région de Moscou que sont mises en place nombre d'améliorations aux zemstvos. Il anime avec Erismann l'influent mouvement des hygiénistes russes (154-76-104).

Suisse, Friedrich Erismann (1842-1915) rencontre à l'université de Zurich Nadejda Souslova, la première femme médecin russe, qui devient son épouse. Le couple s'installe en 1869 à Pétersbourg où Erismann pratique l'ophtalmologie. Mais il se passionne rapidement pour la prévention et l'hygiène, écrit de nombreux manuels à usage professionnel ou scolaire. (111-12-180). En 1897, il obtient facilement un poste d'inspecteur sanitaire au zemstvo de Moscou. Il y effectue un travail énorme en six ans, visitant les 1080 usines de la région et édite un rapport pour chacune d'elle.
 

La santé publique est alors une discipline neuve qui passionne le monde médical. Erismann occupe un des premiers postes de santé publique puis obtient la chaire d'hygiène à l'université de Moscou. Il ouvre en 1890 le premier laboratoire d'hygiène à Moscou (180-12-99).

Il soutient fortement les réalisations des zemstvos auquel son nom reste attaché. Il anime avec Ossipov les premières réunions de la société Pirogov, dominée par les hygiénistes, et qui deviendra le principal syndicat de médecins de l'empire. Erismann s'oppose alors aux bactériologistes qui croient inutiles les mesures de santé publique (76-99-104).

Ses idées et ses travaux amènent inévitablement Erismann à dénoncer les conditions de vie misérables du peuple. "La pauvreté est la plaie la plus répandue du peuple russe. Aussi importante que puissent être les mesures de santé publique, aucune ne sera aussi efficace qu'une amélioration de leur situation économique" (180-12-166-220). 

figure 58 : Erismann (180)

 Le gouvernement tsariste, directement visé, ne tarde pas à réagir. En 1896, on le prive de sa chaire à l'occasion de vacances en Suisse. Erismann, la mort dans l'âme, refuse de rejoindre la Russie qu'il aime tant. Il finit ses jours à Zurich où il meurt en 1915.

 

Le nom de Elie Ilitch Metchnikoff (1845-1916) est plus connu en France. Fils d'un policier pauvre et d'une mère juive, Metchnikoff est une nature entière et bouillante. Il se passionne très tôt pour les théories de Darwin qui apparaissent en Russie dans les années 1860. Après des études de sciences naturelles à l'université de Kharkov, il commence ses travaux de microbiologiste à l'université de Novorossik. En 1882, il doit quitter son poste à cause de la nouvelle politique antisémite. Il continue ses recherches dans un zemstvo mais là aussi il doit subir les brimades des officiels et l'opposition de certains confrères. Il est vrai qu'il a très maladroitement (et faussement) affirmé que les découvertes des biologistes vont rendre inutiles les mesures prophylactiques des hygiénistes, chefs de file des zemstvos. Après deux tentatives de suicide (une par overdose de morphine, l'autre par inoculation de la borréliose) il quitte la Russie. Il travaille un temps à Messine (Italie) puis, suite à l'invitation de Pasteur, s'installe à Paris en 1888 où il retrouve paix et sérénité. Son œuvre dès lors reste liée à l'Institut Pasteur (74-76-215-104-58).

Ses travaux, très vastes s'intéressent au choléra, à la syphilis, au paludisme, à la sénescence, etc. (40-33-28-76-74-17). Mais il est surtout connu pour son œuvre majeure : la découverte de la phagocytose (1884) et ses autres recherches sur l'inflammation (1892) et l'immunité (1901) qui suivent et complètent les travaux de Virchow. Une longue querelle d'écoles oppose alors les partisans de la phagocytose (Metchnikoff et les français) à ses adversaires (allemands) avant que la découverte des anticorps ne réunisse les deux camps (76-64-74-223).

Metchnikoff reçoit le prix Nobel en 1908. Il meurt à Paris en 1916.

Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936) est sans aucun doute le médecin russe le plus célèbre en occident. Il reste le premier russe à avoir reçu un prix Nobel (1904).

Né dans une famille de prêtres pauvres, il étudie la médecine à Saint-Pétersbourg. Son premier travail de recherche sur l'innervation pancréatique reçoit la médaille d'or de l'Académie Médicale Militaire en 1879. Il est l'élève de Ludwig à Leipzig puis l'assistant de Botkine. En 1890 Pavlov devient professeur de pharmacologie à l'Académie Médicale Militaire puis de physiologie en 1897, poste qu'il occupe jusqu'à sa démission en 1924 (74-76).

Son œuvre couvre la recherche de l'époque sur l'innervation cardiaque, les glandes digestives, le cerveau et le système nerveux central. Il est surtout connu pour ses recherches sur la sécrétion gastrique psychique qu'il expérimente sur le chien grâce à ses talents de chirurgien animalier. C'est pour ce travail qu'il obtient le prix Nobel de médecine en 1904. Elargissant sa découverte, il invente la notion de "réflexe conditionné" auquel son nom est toujours attaché. Mobilisant une cinquantaine de collaborateurs dans trois instituts différents, il affirme que la psychologie humaine est régie par les mêmes lois que la psychologie animale. "Ses travaux convergent vers l'idée d'unité fondamentale du physiologique et du psychologique. Ils influencèrent considérablement les études de la physiologie nerveuse ainsi que celles de psychologie normale et pathologique" (169-76-74-80)

Se méfiant de la politique, il est soutenu successivement par le régime tsariste puis soviétique. médecins. Il entre en conflit avec ce dernier lors de l'expulsion des universités des enfants de prêtres. Se rappelant ses origines et condamnant l'intolérance, il démissionne en 1924 (74). Il meurt à Moscou en 1936.

 

figure 59 : Pavlov et ses étudiants vers 1907 (78)

 

Sergueï Sergueïevitch Korsakoff (1854-1900) est le premier grand psychiatre russe. Son nom reste lié à ses travaux sur l'amnésie (psychose amnésique de Korsakoff) et la psychopolynévrite alcoolique.

Ses qualités professionnelles et pédagogiques (il écrit en 1893 un excellent manuel de psychiatrie) en font le père de la psychiatrie russe. Modeste et juste, il se soucia constamment d'humaniser le traitement des malades mentaux. Il se fait l'avocat du principe de "non-restriction" et de l'abandon de la camisole. Il exprime lui-même sa méthode : "le succès du psychiatre dépend de son habileté à cerner la personnalité de son patient par son expérience mais aussi par sa sympathie et sa bonté envers le patient." (16-76-119-74-80)
 

Vladimir Mikhaïlovitch Bechterev (1857-1927). Il étudie auprès des grands neurologues européens avant de devenir professeur à Kazan puis à Saint-Pétersbourg. Comme Pavlov, il travaille sur le système nerveux autant que sur les comportements psychologiques. On lui doit des travaux sur la localisation corticale des fonctions motrices (1887), sur les voies de transmission dans le cerveau et la moelle épinière (1893), etc. Dans sa Psychologie objective (1913) il tente "d'expliquer l'ensemble du comportement humain à partir des réflexes conditionnés" (169). Son travail basé sur l'anatomie neurologique l'oppose à Pavlov qui traite le cerveau de façon plus globale (119-76-74-158-139).

 

figure 60 : Bechterev lors d'une séance d'hypnose en 1913 (78)

 

Avec Vladimir Pétrovitch Serbski (1858-1917) nous rencontrons à nouveau un exemple de probité et de pensée libre. Disciple de Korsakoff, il lui succède à la chaire de psychiatrie. Il continue dans le principe de "non-restriction" et dans l'amélioration des conditions de vie des malades psychiatriques. Il accueille les thèses nouvelles de Freud avec intérêt mais condamne le pansexualisme du viennois comme une "tentative de simplification de la réalité". Il entre en conflit avec le gouvernement tsariste dont il critique publiquement l'autocratie. Il démissionne par protestation en 1911. Ses critiques visaient aussi l'autre camp, il voyait dans certains révolutionnaires des déséquilibrés mentaux. Il fut dit dans son oraison funèbre que Serbski avait été "un psychiatre sans peur et sans reproche" (75-119-139).

 

Enfin, tous ces grands noms ne doivent pas faire oublier celui, plus modeste de Fédor Haas (1780-1853). Ici nulle découverte, nulle école de pensée, simplement la compassion et l'amour de son prochain. D'origine viennoise, le "saint docteur" comme on l'appela veille pendant plus de 20 ans sur tous les déportés qui partent en Sibérie. Dostoïevski évoque sa mémoire dans L'Idiot : "Il s'arrêtait devant chacun d'eux, s'informant de leurs besoins, ne leur faisant jamais de morale et les appelant tous "mes pauvres amis". Il distribuait de l'argent, leur envoyait les effets indispensables, du linge pour envelopper les pieds, de la toile..." A sa mort, tous les prisonniers allument une bougie (54-76-158).
 

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